lundi 29 août 2011

Pantanal 23/24/25 aout

Mardi 23 août. Pantanal !

Le Pantanal, enfin ! Depuis le temps que ce nom étrange accompagne les récits de mon enfance… La simple évocation de ce mot fait apparaitre l’image de mon baroudeur de père, trente ans plutôt, tout sourire, avec les cartouchières de son arme en bandoulière, ou celle de l’inquiétant piranha séché longtemps exposé dans la bibliothèque de ma grand-mère. Un synonyme d’aventure, vie sauvage et pacu grillé. J’y suis donc,  prête à vivre ma petite aventure bien à moi, même si, comme le veut notre époque trop carrée, elle sera organisée et encadrée. Un jour peut-être, je la vivrai de façon plus authentique, mais l’essentiel est là : j’y suis !

A mon arrivée, la tranquille pousada Lontra Pantanal Hôtel est plongée dans la fameuse lumière chaude qu’on appelle l’heure magique dans le monde des tournages. Je suis accompagnée d’un couple de français : Alexis et Cécile (et de leur futur petit globe-trotter en route depuis quelques mois) et de Katya, une très sympathique berlinoise qui termine un grand voyage de huit mois à travers le monde. Elle devient vite ma complice pendant  ces quelques jours. Nous regardons couler le fleuve devant nous, un guarana bien frais aux lèvres. De nombreux oiseaux de toutes tailles et de toutes couleurs volent et virevoltent au-dessus et autour de notre table dans un spectacle aussi chatoyant que fascinant. Je savoure cette tranquillité sauvage.
Notre guide, Sandro, arrive à la tombée de la nuit. Le pantanal, il le connait bien, c’est le sien depuis toujours. Au premier abord il semble un peu rustre et distant, mais il saura vite se monter drôle et ouvert.
Nous embarquons à la nuit tombée pour une balade nocturne sur le fleuve. Mes parents m’ont souvent parlé de la fois où, sur une barque silencieuse en pleine nuit au milieu de l’eau, ils ont vu s’illuminer tout autour d’eux d’inquiétantes petites lumières rouges… les mêmes que je découvre à cet instant sur le fleuve, ces lucioles vermeilles sont  les yeux des caïmans qui brillent dans la lumière de la torche. Ils sont partout, dispersés dans cette grande étendue noire. Sandro repère vite des bébés caïmans sur la rive. De nuit, la lumière hypnotise les caïmans et les fige sur place. Nous nous approchons doucement et en deux manœuvres et quelques éclaboussures le voila déjà avec un petit dans les mains. Difficile de croire que cette petite chose inoffensive et si vulnérable deviendra un jour un jacare (caïman en portugais). Je ne peux malheureusement pas le prendre car j’ai de l’anti moustique sur les mains. Je me contente juste de caresser du bout des doigts ses petites pattes griffues.
Puis nous le regardons repartir tranquillement en ondulant rejoindre ses frères et sœurs cachés sous quelques branches. La balade dure presque deux heures. De temps en temps nous nous laissons dériver toutes lumières éteintes sans dire un mot, commence alors le silence cacophonique de la nature autour de nous. Un instant magique.
Puis, de retour au camp, après un bon et copieux dîner, nous nous asseyons autour d’un grand feu de bois sous le ciel étoilé. Je rencontre alors Tomaso, un italien polyglotte et globetrotteur ; Lindsey et Iveti qui voyagent ensemble, l’une américaine et l’autre brésilienne de Sao Paulo, et Mauricio, un tranquille mexicain en vadrouille. Demain, dans l’après-midi, ils quittent le pantanal pour rentrer dans leurs pays respectifs. Je chante avec Iveti Trem das Onze, puis nous  parlons de nos voyages. J’ai bien l’impression que cette nuit là, je n’ai même pas eu besoin de rêver…

Mercredi 24 aout.

Réveil à 06h30. Apres un superbe petit déjeuner nous rejoignons une ferme équestre. Commence alors une balade montée absolument géniale. J’avais oublié à quel point j’aime monter à cheval. Nous nous enfonçons tantôt dans la jungle, tantôt dans l’eau fraîche des marécages. De temps en temps, un caïman glisse doucement sur la surface de l’eau à quelques mètres à peine de mon cheval. Puis nous arrivons dans une carrière et là c’est plus fort que moi, il faut que je galope ! Je demande la permission à Sandros qui, vu que selon lui je monte « comme un cowboy », m’y autorise, mais loin derrière les autres pour que le galop de mon cheval n’entraine pas celui des autres. Je fais alors une grande boucle pour m’éloigner de notre petit groupe et quand ils s’apprêtent à disparaitre, je lance mon cheval au grand galop. Une sensation incroyable, un galop qui me rappelle celui que j’ai vécu en Mongolie,  quand j’ai cloué de bec à deux mongols moqueurs qui pensaient me faire peur en excitant mon cheval avec leur fameux « tché ! tché ! ». Ces galops là je les vis à fond. Pur instant de bonheur !
L’après-midi c’est sur le fleuve que ca se passe. On part à la pêche aux piranhas. Pour ce faire, rien de plus simple : un long bambou, du fil, un hameçon, un bout de viande, on tire un coup sec, et ça vient tout seul. Enfin… si on tire au bon moment. J’en ai laissé filer pas mal mais, au final j’en aurai quand même deux dans mon assiette le soir. Pendant cette excursion, je fais connaissance de Yoshi, un drôle de japonais, professeur de biologie en Bolivie, fana du pantanal, suréquipé de caméras de toutes sortes, adorable, mais extrêmement maladroit. Une petite tornade qui vous saute sur les pieds en embarquant, ou manque de vous assommer avec ses trépieds et téléobjectifs… il a carrément envoyé un piranha en pleine tête de la pauvre Katya dont les lunettes ont senti le poisson toute la journée. A mon grand étonnement, il m’a offert à mon départ son chapeau de cow-boy en cuir de Bolivie. Un magnifique chapeau de baroudeur, mais qui pue sacrement le cheval. Un sacré personnage ce Yoshi, une belle rencontre.

Le soir, alors que tout le monde va se coucher, fatigué de soleil et de souvenirs,  Katya et moi avons une soudaine envie de faire la fête, inspirées par une musique sourde et forte qui résonne au loin dans la nuit. Sandros  nous explique avec détachement qu’il n’y a pas de fête, que c’est juste un homme qui s’ennuie dans sa petite baraque un peu plus loin et qui passe le temps assis devant chez lui, entouré de ses baffles… Mais ceci n’empêche pas cela, armée de caïpirinhas, nous rejoignons le personnel de la pousada qui, en fait,  célèbre  modestement l’anniversaire de l’un d’entre eux. A part Sandros, personne n’a l’air vraiment très content de voir débarquer ces deux blondinettes qui parlent anglais. J’essaye de briser la glace avec un attendrissant petit portugais maladroit, mais rien n’y fait. Il faudra attendre que le groupe rétrécisse et que la bière casse certaines barrières pour nous faire accepter. J’ai alors un rapide aperçu de la vie des gens du pantanal. La plus part sont d’origines très modestes. Ils vivent à la pousada, loin de leur maison et de leur famille. Sandros m’explique qu’il ne va que très peu en ville, juste pour faire la fête de temps en temps et qu’il n’a pas vu son père depuis deux ans car il travaille dans une ferme au plus profond du pantanal. On me parle de ce fameux pont qu’on construit jours et nuits pour le terminer avant le début de la saison des pluies. Un pont que la plupart des touristes voient comme un danger pour la tranquillité de l’endroit, mais que les habitants, eux, perçoivent comme un progrès utile. Une nouvelle route pour aller autre part. Puis je parle avec Leandro qui n’a que 17 ans et travaille comme assistant en cuisine. Un magnifique métis dont les longues jambes feraient pâlir d’envie n’importe quel top model. Très ouvertement gay il m’explique qu’il vit un amour impossible avec un garçon de la ville qu’il n’arrive pas à oublier. Pas facile de lui trouver un remplaçant, quand on est cloitre dans une pousada au cœur du pantanal…Sa tante travaille comme femme de ménage, quand elle apprend que je suis française, elle met «  Alors on danse » de Stomae et me demande de lui traduire les paroles. En échange, j’ai le droit à une petite leçon de danse. Une soirée privilégiée.

Jeudi 25 aout.
Nous commençons notre dernière journée par une longue randonnée dans la forêt. Malgré l’heure matinale, la chaleur déjà est étouffante. Nous surprenons  singes, biches et cochons sauvages… pas de jaguars ni d’anaconda pour cette fois. Il faudra que je revienne !
Puis l’après midi je vis ce que je pense être ma meilleure expérience pantanalienne. Sandros nous dépose, Alexis, Yoshi, Katy et moi, sur une petite plage en amont du fleuve,  puis il nous jette trois bouées et éloigne sa barque « Vous rentrez à la nage ! ». Nous savions que nous allions barboter dans le fleuve, mais personne n’avait imaginé ça ! Apres quelques hésitations et des « il rigole ou il est sérieux, là ? » nous nous glissons dans l’eau. Commence alors une longue brasse de quarante minutes. Sur les rives, de chaque côté, des caïmans nous regardent passer du coin de l’œil. Ils sont à dix mètre à peine,  un frisson nous parcourt tout le corps quand nous les voyons se glisser dans le fleuve et disparaître dans l’eau. Mieux vaut ne pas trop penser à toutes les bestioles qu’il y a dans ce fleuve. Vais-je effleurer du bout du pied un anaconda, ou me faire grignoter un orteil par un piranha ? Rien de tout cela ! En fait ces inquiétantes créatures sont bien trop  timides et n’ont aucune envie de se frotter à la sale bête qu’est l’homme. Je nage alors tranquillement dans les eaux du Miranda… en surveillant quand même les alentours, les berges et le moindre remous, juste au cas où…

Quelques heures plus tard ma première expérience du pantanal s’achève. Une légère saudade s’empare de moi. Mais ce n’est que le début du voyage et la route est trop belle et trop longue encore devant moi pour avoir déjà des regrets. Je pars donc pour Bonito, le chapeau de Yoshi sur la tête, et je sais que le pantanal et moi, on n’en a pas fini tous les deux.  Ca ne fait que commencer !



























3 commentaires:

  1. Merci ! tu nous fais voyager...c'est super de voir des photos, souvenirs souvenirs nous quittons t Samson ce matin, il fait froid ici.
    Nostalgie du soleil mon grand copain Besos

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  2. Ta mère a bien raison, tu nous fais voyager! Ça fait plaisir! Je vais essayer de t'appeller ce soir, si tu vois ce message prends le portable avec toi!
    Vis chaque seconde à fond, tu veras, ça ne peut qu'en valoir la peine!
    Te quiero!
    Besotes!

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  3. Tu "mitrailles" j'en suis ravie inutile de te le dire, et tes récits sont très vivants, je me régale. A bientôt gros bisous de ta mamie

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