vendredi 30 septembre 2011

Porto Velho du 15 au 17 Septembre

Jeudi 15 septembre. Porto Velho.

J’ai posé mes sacs la nuit dernière dans le petit hôtel Tia Carmen après mettre fait refuser l’entrée dans deux  autres  qui se disaient complets. Ma chambre, minuscule et sombre, se transforme vite en un four étouffant où le gros ventilateur poussiéreux et ronronnant ne fait que brasser un air chaud, épais et humide. Rien de bon pour les poumons. Le matelas est recouvert d’un plastique qui  colle à la peau dès qu’un mouvement décroche le drap trop petit pour le lit.  Cette chambre annonce des nuits difficiles…
Je passe la journée à me balader dans le centre de la ville, sous une chaleur humide à laquelle j’ai du mal à m’habituer. Je fais un détour par le port pour acheter mon billet de bateau pour Manaus. L’endroit est populaire et loin du modernisme qu’on prête aux grandes villes du nouveau monde. Je jette un coup d’œil au bateau. Des hommes fourmis pliés sous d’énormes sacs chargent en file indienne l’embarcation. Je ne passe pas inaperçue. On siffle et interpelle la « gringa loira » (l’étrangère blonde). Cette agitation virile me dissuade de passer la nuit du lendemain sur le bateau à quai comme mon billet m’y autorise. Mieux vaut être prudente…
A 15h00 je monte dans un bateau pour faire un petit tour de quarante-cinq minutes sur le fleuve Madeira, une promenade sans grand intérêt à part pour constater l’aspect urbain du fleuve et l’amabilité des organisateurs. Je rentre à 18h00. J’ai rendez-vous avec ma tribu française sur skype. Un appel qui me fait chaud au cœur malgré la chaleur ambiante déjà insupportable. En raccrochant je commence à reconnaître les signes d’un coup de chaleur. J’achète en hâte de l’eau, un gatorade et un bout de gâteau. Je m’affale sur mon lit fournaise et dors une heure à peine, d’un sommeil délirant, peut être même fiévreux. Je rassemble alors mes forces pour aller manger quelque chose de salé histoire de faire remonter ma tension. Je trouve une petite pizzeria climatisée juste en face de l’hôtel.  La clim m’apaise un peu, mais j’ai un marteau-piqueur sous chaque tempe. J’essaye de faire l’effort d’écrire un peu mais la clarté électrique de l’écran est une véritable agression pour mes yeux. En rentrant je me décide enfin à prendre du paracétamol. Je passe la nuit entière à faire des allers-retours de la douche au lit pour essayer de me rafraîchir et faire baisser ma température. Décidément la chaleur est mon point faible. A prendre en compte pour le reste du voyage.

Vendredi 16 septembre

Vers quatre heures et demie je me fais une raison et renonce au sommeil. Je suis faiblarde mais mon mal de tête et les nausées sont passés. J’en profite pour écrire, essayant comme faire se peut, de rattraper le retard flagrant de mon blog. Je constate que mon apparition éclair à la télé, dans un reportage sur le Pantanal, a fait le buzz chez mes proches, du Brésil à l’Argentine en passant par la France. Le monde entier semble faire tourner en l’interview de cette étudiante en biologie ( Eh oui, fantasme de journaliste, je suppose !) qui gazouille un portugnol attachant. Portugnol peut-être, mais suffisamment compréhensible cependant pour ne pas avoir nécessité de sous-titres. Pas mal, non ?
En fin de matinée, je pars à la recherche d’une alliance. Ne prenez pas cet air étonné, vous ne connaissez pas mon mari ?  Mais si ! Ce grand et fort brésilien, prof de jiu-jitsu et passionné de krav maga. Cet homme, d’une jalousie légendaire, qui m’attend à chaque étape et gare à celui qui m’aurait importunée pendant le voyage… Oui, je suis mariée à l’homme invisible, mais cette petite supercherie m’épargne, parfois, les longs discours soûlants de certains prétendus Don Juan tropicaux.
Je passe le reste de la journée à m’occuper du blog. Je charge les photos (ce qui prend à chaque fois un temps fou) et programme deux articles qui seront publiés pendant mon absence. Mine de rien ce petit journal virtuel me donne pas mal de travail. Je tiens d’ailleurs à remercier les Manook qui me donnent un joli coup de main avec l’orthographe.

Samedi 17 Septembre.

L’heure amazonienne a sonné. Après avoir marché dans les pas pantaneiros de mon père, je me dirige vers le passé amazonien de mon oncle Pascal. Et oui, le Brésil c’est de famille. Viendra ensuite la descente du fleuve jusqu'à Belèm puis une partie du Nord-Est courus trente ans auparavant par mon oncle Jean-Paul. On aurait tort de croire qu’en m’aventurant dans ces régions lointaines je m’éloigne de mes racines. Bien au contraire, tout en me nourrissant de nouvelles expériences, je renoue avec ce passé familial qui est en partie responsable de la personne que je suis devenue, ou plutôt que je suis en train de devenir.



Mercado central



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1,2 et 3 = Maison de la culture

Devant le musee ferroviaire

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4,5 et 6 = Rio Madeira

Lune rouge


 

vendredi 23 septembre 2011

Surprise !

Une petite surprise matinale en glissant mon pied dans mes chaussures laissées dans le garage de Barbara.
Drôle de sensation mais heureusement aucune morsure.


jeudi 22 septembre 2011

Pocone chez Barbara

Vendredi 9 Septembre. Poconé.

J’arrive sur la petite place centrale de Poconé vers 15h30. J’ai trois heures à tuer en attendant le retour de Barbara, partie mercredi à Cuiabà reprendre ses cours. Rapide visite de la Maison de la Culture qui collectionne modestement des objets quotidiens d’un passé encore très proche ainsi que tout un attirail de masques et de costumes utilisés pour les fêtes de village. Une pluie grise et rafraîchissante s’abat soudain sur l’église rose et fleurie. Je m’abrite en riant dans une petite épicerie ou les clients ont apparemment l’habitude de regarder assidûment des télés novela, assis sur des chaises en plastique jaune et indifférents à la pluie qui gicle sur le trottoir. Les propriétaires sont aux petits soins avec moi : gâteaux, cafés et autres attentions me sont proposés pour égayer mon attente, comme s’ils se sentaient responsables de la pluie qui me retient chez eux. Vers 16h30, les étudiants de la ville se réunissent à leur tour autour de la petite télévision en attendant le bus de 17h00 pour Cuiabà. Je me fonds si parfaitement dans la masse qu’une jeune étudiante en droit me rappelle à l’ordre pour me dépêcher de monter dans le bus quand celui-ci est sur le point de partir. Eclats de rire à nouveau ! Soudain je remarque une femme qui s’approche timidement de moi. Après quelques échanges de regards interrogateurs se concluant par un sourire, je charge mon imposant sac sur mes épaules et m’approche d’elle. Barbara est en retard et c’est sa mère qui est venue me chercher.
En un rien de temps je suis bien installée dans le salon de cette adorable famille. Je rencontre Gabrielly, la sœur de Barbara, qui s’empresse aussitôt de me montrer albums et DVD de ses quinze ans, âge charnière en Amérique latine, passage de l’âge de fille à celui de femme, et occasion de fêtes démesurées, copie des party-people américaines.
Barbara me propose de rester dans sa famille jusqu'à dimanche et de rentrer à Cuiabá en voiture avec elle pour m’économiser le voyage. Je passe donc le week-end en famille.
Comme promis nous rendons visite à Esterlito. Je rencontre enfin ce personnage tout sorti d’un film d’aventure à la Indiana Jones. Les photos de son glorieux passé de chasseur de panthères couvrent les murs de sa maison. L’esprit vif, une poigne d’acier et une gentillesse sans limite, Esterlito est tel que mon père me l’a décrit. Difficile de croire que cet homme si solide ait déjà fêté ses 81 ans. Sa femme s’empresse de me montrer de vieux clichés de son intrépide de mari. Anacondas, panthères, jacarés… Rien ne lui résiste. Véritable expert d’un Pantanal qu’il traite avec amour et respect, il me raconte nombre d’anecdotes sauvages, notamment celle où il perdit un bout de doigt entre les crocs d’un jacaré récalcitrant. Je reste là plus d’une heure à l’écouter, fascinée par l’homme autant que par ses histoires. Une formidable rencontre qui semble être d’une autre époque. Celle d’un Mato Grosso farouche et indompté. Je quitte Esterlito avec l’espoir de le revoir un jour. Qui sait, peut-être que notre prochaine rencontre se fera accompagnée d’une caméra…
Avant de partir pour Cuiabá nous nous rendons aux vingt-deux ans d’une cousine de Barbara. Un grand churasco est organisé pour l’occasion. L’ambiance est décontractée, les gens simples et accueillants. On essaye bien évidemment de me marier avec un garçon du coin. Au moment de partir, le grand-père de Barbara me sert les deux mains dans les siennes, ému et inquiet, m’avertissant des dangers du voyage et me souhaitant bonne route. Je suis encore une fois touchée par la générosité et la gentillesse de cette famille.

Lundi 12 septembre. Cuiabá.

Retour a Cuiabá, ville qui commence à m’être familière. J’entre-aperçois le temps d’une journée la vie cuiabenne de Barbara. Je me fonds dans la masse des étudiants de son université, sirote un jus devant une comédie romantique au cinéma, brûle des calories dans une salle de gym, me refais une beauté chez le coiffeur, puis enfile des talons échasses pour aller parader Praca Popular. J’ai l’impression d’être une étudiante d’échange. Décidément, ce voyage a bien des visages…

Mardi 13 septembre

Le temps m’échappe. La route m’appelle. Sur le quai de la gare routière j’enlace Barbara pour une dernière photo. Elle dit qu’elle et sa famille m’attendent. Tout un programme est déjà planifié pour ma prochaine visite. Au fond de moi je sais que je reviendrai, c’est écrit quelque part, JE l’ai écrit quelque part. Comment remercier ces gens, guides improvisés semés sur mon chemin comme des panneaux m’indiquant la route à prendre. Plus que jamais je me sens au milieu d’un carrefour grandiose. Je choisis ma route tout en sachant que je prendrai un jour la liberté de revenir pour en tenter une autre, voir reprendre la même puisqu’on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, comme dit le proverbe.
Le bus s’éloigne de Cuiabá. Dans vingt-six heures je serai à Porto Velho. Commencera alors la partie amazonienne de mon voyage… Et quel voyage !
1

1 et 2
 costumes Maison de la Culture


Ancienne Nourrice de Barbara
faisant des Bolo de queijo

Avec Gabrielly

Mere de Barbara avec la version
bresilienne du mate

Esterlito










L'universite de Cuiaba

dimanche 18 septembre 2011

La Tele Novela Pantanera

Jeudi 8 Septembre.

Benedecto monte depuis l’âge de cinq ans. Il manie son cheval avec autant de facilité que s’il faisait de la moto. Vrai cow-boy et très bon guide il va faire sentir aux deux gringos que Danielo et moi sommes ce que c’est d’être un pantaneiro.
Nous commençons la balade au pas tout en faisant connaissance. Nous nous éloignons doucement de la pousada. Le galop est une véritable drogue, et j’en suis rapidement en manque. Je demande à Benedicto si je peux me lancer, ce qu’il accepte une fois que nous ne sommes plus visibles depuis la pousada. Un bon gros galop cadencé : tadadam, silence, tadadam, silence, tadadam… Je suis aux anges. Nous poursuivons notre route en trottinant. Par je ne sais quel miracle je reconnais un cri d’ara, ce qui impressionne mes compagnons (et moi avec). Nous arrivons près d’un point d’eau où gît une carcasse de jacaré. Nous mettons pied à terre. Benedicto nous offre quelques dents du défunt reptile puis, de jacarés en piranhas, nous en venons à parler… De sa vie amoureuse. Ces confidences créent une complicité rare qui soude notre petit groupe. Danielo, qui nous photographie en cachette depuis le début de la balade, organise une séance photo digne des plus grandes télés novela brésiliennes. Puis je demande à notre cow-boy de m’apprendre à monter comme une vraie pantaneira. Ce qu’il s’empresse de faire en lançant son cheval dans le plus zélé des galops que j’ai jamais vu. J’applique les deux ou trois conseils que j’ai pu entendre avant de le voir emporté en un éclair par sa monture. Aussitôt mon cheval part à son tour comme une flèche ! Jamais de ma vie je n’ai ressenti une telle sensation de vitesse à cheval ! Une main en l’air, les jambes tendues en avant, je ne fais plus la différence entre les battements de mon cœur gonflé d’adrénaline et le bruit sec et régulier des sabots battant la terre. Nous nous coursons tous les trois, le sourire jusqu’aux oreilles, complètement ivres de vitesse. Une magnifique sensation que je n’oublierai pas de sitôt !
Nous rentrons heureux et avec l’envie de fêter ça ! Ce soir c’est caipirinha et jacaré pour les deux gringos élevés au rang de pantaneiros par Benedicto.

Et en toute exclusivité les images de la nouvelle télé novela qui fait fureur dans tout le Brésil :









samedi 17 septembre 2011

Pantanal du Nord 7/8/9 Septembre

Mercredi 7 septembre. Cuiabá.
Il est à peine sept heures du matin quand je ferme la porte de la petite chambre de la pousada ecoverde. J’ai décidé dans la nuit d’aller à Pocone, ville mythique du Manook et de la Transpantanaire. Cette route m’est déjà familière par procurations. Sa construction qui débuta en 1971 fut suspendue alors qu’elle ne parcourait qu’un tiers de l’itinéraire prévu. Censée traverser le Pantanal pour relier Pocone (Mato Grosso) à Corrumba (Mato Grosso do Sul), elle ne va guère plus loin que Porto Jofre, même pas à mi-chemin. Pourquoi ? Parce qu’une expédition de la CODEMAT, chargée de vérifier la viabilité du projet, prouva que les risques d’inondations et de répercussions néfastes sur la faune et la flore, (sans compter les habitants de la région) étaient trop importants. Une expédition a laquelle a participé un certain Patrick Manoukian plus connu dans ce blog comme l’un des membres de la tribu Manook, autrement dit mon père. Vingt et un jour de pirogue sans mettre pied à terre en profitant d’une des plus grandes inondations du Brésil. Le fleuve Cuiabá était monté à l’époque de plus de quatorze mètres !
Je suis donc en route pour la gare routière. Je passe par la Praca Republica avec ma désormais habituelle dégaine des jours de départ : un sac à l’avant, un autre sur le dos, et des rêves pleins la tête. Je passe devant une version brésilienne des vamps, et les deux petites dames m’interpellent aussitôt depuis leur petit banc sous les hauts palmiers. Intriguée par ces gesticulations accueillantes je m’approche timidement. Je suis invitée à m’asseoir avec elles en compagnie d’un sympathique dandy dont elles sont secrètement amoureuses. Elles viennent ici tous les jours commenter la vie de cette petite place entre copines. Quand elles apprennent que je n’ai pas encore mangé, elles m’envoient avec une autorité maternelle acheter un Bolo de Arroz, un de ces petits gâteaux de riz sucrés typiques de la région. Une fois certaines que je suis bien restaurée et que je ne manque de rien pour mon voyage, elles me confient au dandy pour qu’il m’accompagne jusqu’à la gare routière. L’aimable gentleman s’exécute. Quelques chansons de pop religieuse plus tard, je suis sur le quai de la gare, prête à découvrir Poconé, cette petite ville pantaneira. Et qui sait ? Il se pourrait bien que je rencontre un autre revenant des histoires Manookeenes…

J’arrive à Pocone à 11 heures. A mon grand regret, j’ai royalement manqué le défilé des cérémonies de l’Indépendance du Brésil. Les alentours de l’humble gare routière me font penser à un western-banana : les routes de terre rouges, les petites maisons colorées aux portes ouvertes, quelques pantaneiros coiffés de chapeaux de cow-boy… Tout ressemble déjà aux descriptions faites par mon père. Je demande à la petite épicerie de la gare l’adresse de l’agence touristique. On me répond qu’elle serait fermée, ce qui paraît étrange en ce jour férié prisé par les citadins pour s’aventurer dans ces alentours sauvages. On m’oriente vers une jeune fille qui propose de me réserver trois nuits dans une pousada un peu plus loin en dehors de Pocone. Le prix est alléchant, deux cents réais pour trois nuits, j’accepte. Je monte dans un taxi et me voila sur la Transpantanaire, moitié goudron, moitié terre. Je suis étonnée de voir le taxi s’engager aussitôt dans un chemin perpendiculaire. Cela fait un quart d’heure à peine que nous nous bringuebalons sur la route. Soudain, nous débouchons dans la pousada Piuval, un joli mais un peu trop touristique nid d’écotourisme. L’accueille est chaleureux et filmé. Je suis interviewée par une petite équipe de télévision tournant un reportage sur le Pantanal. (Une fois à Porto Velho j’ai reçu un mail de Bruno, un ami de Belo Horizonte, m’annonçant avec une excitation étonnée qu’il m’avait vue à la télé ! ). Je fais un rapide tour des lieux : piscine, chambres confortables et grand réfectoire climatisé, l’endroit est agréable mais peu authentique, je commence à regretter de ne pas m’être enfoncée dans une partie plus farouche du Pantanal. Je ne pouvais pas me douter que cette étape serait beaucoup plus humaine que sauvage.

A 15h30 je monte dans une jeep pour un safari collectif. Je fais alors la rencontre de Barbara une Brésilienne de Pocone qui accompagne Amanda et sa mère dans leur découverte pantaneira pour la journée. Le courant passe tout de suite bien. En rentrant, nous continuons notre longue conversation entre quelques brasses rafraîchissantes dans la piscine, puis paresseusement dans les hamacs. Mon intérêt pour Pocone l’intrigue, je lui raconte donc l’histoire de mon père et surtout lui révèle la mission que je me suis donnée : retrouver l’ancien guide de l’expédition, un homme dont le savoir et le courage pantaneiro avait beaucoup impressionné mon père a l’époque. Pour trouver cet homme, je n’ai qu’une photo où on ne voit que la moitié de son visage et son prénom : Esterlito. Il se produit alors un phénomène que ma chère Juliette appellerait « une coïncidence à la Manook ». Barbara connaît ce fameux chasseur de panthères, maintenant très âgé mais bel et bien vivant. Elle me propose alors tout naturellement de me conduire à sa rencontre et de rester chez elle dès mon retour en ville prévu pour le samedi. En les raccompagnant à l’accueil, je remarque un panneau discret sur lequel sont affichés les prix. Horreur ! Les deux cents réais sont en fait le prix d’une nuit ! Méchante surprise. Je décide d’écourter d’une nuit mon séjour.
Après dîner je monte de nouveau dans la jeep pour un safari nocturne. Un groupe de brésiliens de mon âge se place au fond de la voiture, bruyants et agités, ils me tapent vite sur les nerfs. Je me rends compte que ma tolérance en matière d’immaturité et de manque d’éducation a sévèrement chuté. Nous dérangeons quelques animaux dans leurs chasses nocturnes mais malheureusement aucune onca (panthère et terreur légendaire de la région). Je suis un peu déçue, je commence à ruminer le fait de n’être pas allée jusqu’au bout de la Transpantanaire. Pour éviter de tomber dans l’ingratitude que je retrouve souvent chez les touristes français, je décide de m’atteler à la dure tâche de décrire l’odeur du Pantanal, histoire de graver ce parfum si particulier dans ma mémoire et de me servir de ce grand attirail olfactif dont la nature m’a pourvue. Ce petit exercice se révèle extrêmement intéressant et très difficile à retranscrire et j’envie la précision des adjectifs de Suskind. Je me lance. L’air est tiède, mêlant les arômes comme dans une sorte de crème plutôt épaisse. La fragrance la plus évidente est celle de l’herbe sèche, forte et lourde. Vient ensuite une légère mais constante odeur de poussière qui assèche légèrement la gorge. En se concentrant bien on peut même percevoir un fond de fumée âcre venant d’un feu qui brûle au loin. Je sens aussi une plante plus verte qui m’est inconnue, son parfum pèse dans l’air et a quelque chose de musqué. Au fur et à mesure de notre progression je me rends compte de certains changements de directions sans même ouvrir les yeux : nous approchons d’un point d’eau, nous nous dirigeons vers un bosquet, nous roulons vers la pousada...  Malgré la discrète omniprésence de senteurs animales, je peux parfois en dissocier certaines, tantôt jacarés, oiseaux, vaches ou chevaux. Je suis impressionnée par le panel des effluves qui embaument le vent. Un véritable monde parallèle.

Jeudi 8 Septembre

Une matinale balade en bateau, dépourvue a mon grand regret du mythique Anaconda gobeur de pêcheurs, me permet enfin de découvrir le côté marécageux du Pantanal. J’admire les lentes tornades d’oiseaux enlaçant ciel et eau dans de grands ballets aériens. Du haut d’une tour d’observation j’aperçois au loin d’énormes arbres blancs. En prêtant plus attention je me rends compte que ce que je prenais pour des fleurs n’est qu’autre qu’une multitude d’oiseaux. Une véritable cathédrale de volatiles.
Je déjeune avec Paulo, un guide bougon mais adorable qui me présente a tout le monde. Se joint à nous Danielo. Cet Italien vit depuis un an au Brésil, et a vécu un peu près partout dans le monde, jonglant avec aisance entre l’italien, l’espagnol, l’anglais, le portugais et le français. Tout aussi curieux l’un que l’autre, nous passons le reste du séjour à poser d’innombrables questions sur le Pantanal et la vue des pantaneiros. Danielo est aussi le metteur en scène d’une Télé Novela improvisée lors de notre balade à cheval avec Benedicto. Un article spécial est de rigueur. Je laisse donc planer le suspense.
 
Vendredi 9 Septembre.

Il est sept heures. Je me prépare pour une petite randonnée avec Danielo et Osvaldo, le frère de Benedicto. En poussant la porte de ma chambre je découvre un Pantanal plongé dans un brouillard gris et humide. Quelques gouttes tombent ici et là sans grande conviction. C’est la première fois que je vois la pluie depuis mon départ de Sao Paulo. L’air est frais, les odeurs différentes. Il doit faire vingt-huit degrés, et le personnel de la pousada est frigorifié. Osvaldo a sorti son gros ciré. Cette relative fraîcheur me va très bien. La balade est agréable et instructive. Osvaldo connaît bien le terrain. Il est ravi de voir l’intérêt que Danielo et moi montrons pour le moindre petit insecte ou cri d’oiseau.

Je quitte donc la pousada satisfaite. Ce séjour ne m’a pas vraiment permis d’approfondir le côté sauvage du Pantanal, mais il m’a offert de belles rencontres, et de graver dans ma mémoire quelques beaux souvenirs.